Les idées disruptives pour la pédagogie innovante et l’impact sur l’architecture d’enseignement.
Mike Sharples de l’Open University a publié un texte sur « Dix idées disruptives pour une pédagogie innovante », ancrées dans le mode de vie des nouvelles générations.
Pour chacun des processus innovants, nous indiquons l’impact architectural sur l’aménagement d’espace.
- Quelles sont des éventuelles nouvelles fonctions pour les usagers des locaux ?
- Comment traduire la méthode en aménagement intérieur ?
- Quel impact a-t-elle sur les équipements technologiques, numériques et le mobilier ?
Les enjeux qui détermineront l’avenir des établissements d’enseignement supérieur et les tendances dans l’architecture des campus ont fait l’objet de séminaire internationaux.
Ainsi, ,notre article n’a pas pour but de porter un jugement sur l’efficacité des méthodes pédagogiques. Il est toutefois nécessaire de comprendre que les espaces inadaptés freinent l’adoption des ces méthodes.
Nous partons du constat que dans de nombreuses de nos réalisations d’écoles supérieures, les concepts novateurs conduisent actuellement à remplacer les salles de cours classiques au bénéfice d’espaces mobiles.
La plupart des nouveaux espaces réservés aux étudiants bénéficient d’une occupation multiple et variable en terme d’effectifs.
La journée type existe-t-elle encore lorsqu’on parle de l’enseignement actif ?
La journée peut commencer par une réunion de 60 étudiants autour d’un thème avec un enseignant. Puis, peut se poursuivre par une dispersion en sous-groupes de 6/8 personnes pour mettre en œuvre un travail collaboratif.
L’après-midi des recherches et travaux individuels peuvent être entrepris à l’aide des outils numériques sur place ou à distance.
Et pour finir la journée, tout le monde sera à nouveau regroupé autour d’un conférencier. Par exemple, dans un auditorium ou devant une maquette dans une salle d’exposition. Ou encore devant un écran pour une visio-conférence.
Les espaces des campus et des écoles devront donc pouvoir accueillir une granularité et des usages très variés.
Les méthodes pédagogiques actuelles peuvent être groupés en différentes catégories .
Globalement, elles favorisent l’autonomie, la créativité, le travail en groupe et font souvent appel aux nouvelles technologies.
1 – L’échec productif (Productive failure) et le design thinking induisent des moyens créatifs dans les espaces bien équipés.
L’échec productif (Productive failure), exemple du concept de Prof.Manu Kapur:
Ce principe consiste à sortir l’étudiant de la zone de confort d’apprentissage, de le confronter à un problème complexe. Et ceci sans dispenser la formation spécifique. On parle aussi de PBL ( Problem based learning) . L’étudiant recherche par exemple d’abord des solutions, puis seulement recevra la formation liée au sujet. Le concept implique aussi un nouveau rôle de l’enseignant qui doit créer des opportunités d’ apprentissage actif et favoriser les stratégies de visualisation.
Un exemple pour illustrer :
Aux Mines d’Albi, les étudiants en groupe doivent réaliser un camion en Lego pour simuler les étapes du processus de développement d’un nouveau produit. Après la formation, un second projet ‘Lego’ est construit. Il donne de meilleurs résultats et les étudiants constatent le progrès.
Le design thinking :
C’est une méthode originale de résolution de problèmes (en général plutôt techniques) mettant en place des processus créatifs et l’expérience utilisateur.
Ce type de méthode, prenant en compte l’expérience utilisateur, ouvre la porte à l’altruisme . Il favorise la prise en compte de l’autre, de la diversité des besoins, développe la conscience culturelle…
Exemple Télécom Ecole de Management et Télécom SudParis :
Les étudiants y sont accompagnés dans cette démarche par des experts, des entreprises du monde de l’innovation, des artistes numériques, des designers et des encadrants pédagogiques.
Ces méthodes ont de nombreux impacts sur l’aménagement.
- Elles nécessitent un espace pour se réunir en groupe.
- L’espace doit faciliter les recherches de données sur les réseaux numériques pour chaque étudiant ou en groupe.
- Les espaces doivent permettre l’organisation des ateliers pour les pratiques de techniques créatives au travers de jeux de rôle, de brainstorming ou encore de dessins.
- Il faut des aménagements muraux et de projection adéquats.
2. Les méthodes avec équipement numérique, induisant des modes de travail nomades.
L’analyse formative (formative analytics) , l’ apprentissage à travers les jeux et media (Learning through video games et learning through media)
ou même le “translanguaging” font partie des méthodes également observées qui nécessitent des équipements numériques accessibles.
L’analyse formative
La méthode aide à réfléchir sur ce que les élèves ont retenu, sur ce qui peut être amélioré dans la formation.
Ensuite, sur la manière de faire progresser les élèves, ceci en mode continu tout au long de l’apprentissage.
Pour cela sont utilisés des outils de pointe d’aide à la décision issus de Data mining et de Big data.
Du point de vue technique : cette solution est intégrable dans un LMS (Learning management system).
A en lire plus par exemple sur la plateforme Knime ou ici.
L’apprentissage par les média sociaux (Learning through social media).
Il s’agit d’utiliser les média sociaux comme Facebook, Twitter, Google+, LinkedIn, Instagram, Slack. Cette forme d’ apprentissage s’appuie sur les fonctions de communication, de partage, de collaboration, de créativité et d’archivage.
Il sert à lancer des projets, organiser des sondages et des concours.
Les jeux vidéo et d’autres types de jeux (escape classroom) sont utilisés pour rendre l’enseignement plus appétant. Voir aussi les travaux de James Paul Gee.
L’intérêt dépend beaucoup de la qualité des vidéo pédagogiques disponibles, mais en réalité, la ludification de l’enseignement peut prendre les formes assez disruptives.
Exemple :
Une “escape classroom”, un jeu pédagogique pour enseigner l’optimisation combinatoire, a été mise en place à IMT Lille Douai .
Le principe d’un « escape game » est d’enfermer les participants dans une pièce . Pour s’échapper, il doivent résoudre collaborativement des énigmes.
La mise en application des notions de cours de manière concrète et ludique, augmente la motivation. Le travail en équipe est nécessaire pour réussir dans les temps impartis.
Le dernier principe évoqué par Mike Sharples est le “Translanguaging”
Il ne s’agit pas d’une simple traduction de ressources d’une langue à une autre, mais d’enrichir l’apprentissage par l’utilisation de plusieurs langues. Voire par plusieurs autres façons de communiquer : par geste, par langage corporel, par mimiques, par dessin, par médias interposés.
Cette méthode est bien adaptée à l’internet et au monde globalisé actuel, interculturel.
Exemple :
Alison Gourvès-Hayward (IMT Atlantique) et Christophe Morace (ENSTA Bretagne) ont travaillé avec leurs élèves d’école d’ingénieur sur la construction de compétences interculturelles. Lors d’une visio-conférence entre une classe en France et une classe aux Etats-Unis, les élèves échangent sur les multiples traductions du mot “friend” en français.
Ces décalages entre langues permettent aux élèves de mieux appréhender les différences de culture et une autre perception de la relation exprimée par le mot ‘friend’.
Quel impact sur l’aménagement des espaces?
L’ensemble de ces démarches nécessitent l’accès sans faille aux réseaux numériques et aux matériel numérique.
Très souvent, il implique la capacité à intégrer dans les locaux la technologie LMS (Learning management system) de manière ergonomique et accessible au plus grand nombre.
Parfois, il s’agit de mettre en place un studio de MOOC, d’intégrer une salle équipée en technologie VR/VA ou d’ ouvrir un FabLab.
Comme pour les méthodes précédentes, les aménagements doivent être flexibles pour se réunir en groupe de taille variable.
Et pour finir, il faut des espaces adaptés à la visio-conférence.
Les méthodes basées sur l’ouverture vers l’environnement réel ou numérique, comme Apprentissage de la foule (Learning from the crowd).
Au-delà de son intérêt technique ou social, cette méthode fait écho aux Communs.
Les communs, ce sont les données, les biens, les espaces que nous partageons tous.
Partout, petit à petit, commence à se structurer une économie des communs.
Un exemple concret :
Les applications possibles de la production participative dans l’éducation comprennent la collecte et la compilation des ressources pédagogiques. Leur mise à disposition des étudiants, mais aussi leur discussion en ligne, ainsi que l’échange d’opinions et de données pour les projets et les recherches. Il n’ y a pas que le monde informatique” Open source” qui pratique ainsi.
Cela peut aussi concerner aussi le partage des MOOC :
Généralement, les auteurs différencient deux grands types de cours en ligne ouverts et massifs.
Les xMOOC qui visent à valider les compétences acquises en délivrant un certificat de réussite.
Les cMOOC, dont les objectifs d’apprentissage sont ouverts et dont les participants créent dans une large mesure le contenu.
Ces cMOOC sont fondés sur la théorie de la connectivité et sur une pédagogie ouverte, qui s’appuient sur des réseaux de contenus et d’individus.
Pour cela encore, il faut organiser spatialement la capacité à diffuser la technologie numérique à grande échelle. De décloisonner les Intranet, d’ouvrir les cours à distance en partage avec d’autres établissements, favoriser les débats publics avec les moyens numériques à la disposition dans les locaux.
Sur cette dernière catégorie d’impact, ce qui nous intéresse particulièrement, est la notion d’ouverture aux autres.
Car, ceci intègre également la réflexion sur le rayonnement externe de l’école.
Il s’agit de penser à la diffusion de la culture et du savoir d’un pôle d’enseignement dans son environnement.
Nous abordons ici la notion de la transparence architecturale.
Une transparence d’usage, telle que l’intégration des espaces d’enseignement au quartier via des événements, des espaces d’exposition,des cafés ouverts sur l’extérieur .
Notons qu’ici surgit une problématique en architecture parfois délicate à gérer, compte tenu des aspects de sécurité et des accès des publiques variés aux locaux. Il est nécessaire de posséder une forte expertise en matière d’ERP et souvent également une gestion de la sécurité des accès aux espaces élaborée, administrable et informatisée.
Autres liens intéressants :
http://www.ictinpractice.com/games-based-learning-making-it-happen-by-paul-ladley/
https://www.kqed.org/mindshift/series/guide-to-games-and-learning
https://www.slideshare.net/futureagenda2/future-of-learning-an-initial-perspective-by-tim-gifford-of-eltjam
http://www.expeditelearning.co.uk/future-learning-development/
http://teche.ltc.mq.edu.au/human-science/making-lectures-interactive-workshop-post-mortem/
https://hbr.org/2011/04/strategies-for-learning-from-failure
https://hbr.org/1993/07/building-a-learning-organization?referral=03759&cm_vc=rr_item_page.bottom
http://focuscampus.blog.lemonde.fr/2014/11/15/telecom-lille-pionniere-meconnue-de-la-formation-a-distance